Bulletin d'information SGAM * 1/ 90, pp. 18-19

BEX
NOTE SUR QUELQUES MINÉRAUX DE BEX

Pierre Perroud

 

En 1986, Nicolas Meisser, conseiller scientifique auprès du Club vaudois de minéralogie, m'avait remis, pour analyse, un échantillon minéralogique provenant de la mine de sel de Bex (Vaud). La détermination montra la présence de nahcolite et de trona, deux minéraux non encore signalés dans cette mine.

Mon intérêt ayant été éveillé par cette trouvaille, je finis par me rendre sur le site, le 12 décembre 1987, en compagnie de Nicolas Meisser et de Stefan Ansermet. Clés en main, nous nous rendîmes à l'une des entrées secondaires de la mine, quelque part dans les bois enneigés, au-dessus du lieu bien connu où circule le petit train touristique. Nous avons emprunté une galerie balayée par un intense courant d'air et dont les parois laissent par endroits échapper de nauséabonds gaz sulfureux. Après avoir déposé une partie de notre matériel, nous sommes montés vers les galeries supérieures.

La visite, à elle seule, est vivement intéressante: salles et galeries avec d'anciennes canalisations en bois, caverne entièrement tapissée de beaux cristaux de gypse (mais terriblement dangereuse car d'énormes blocs se détachent du plafond), escaliers taillés dans le roc, puits, gigantesque salle effondrée, ancien matériel bien rangé et conservé, etc.: heureusement que tout cela n'est pas livré à la voracité des touristes du dimanche!

Nous sommes enfin arrivés dans une des galeries supérieures, tapissée d'efflorescences blanches. C'est là que, à même le sol, sur l'ancien trajet des wagonnets, nous avons retrouvé l'étroite zone minéralisée qui nous intéressait. Les conditions de formation de ces minéraux ainsi que la siccité de l'air semblent particulières; en effet, plusieurs des espèces citées ci-dessous sont plutôt connues dans les régions désertiques et les lacs salés.

Les minéraux

La description qui suit est sommaire; elle sera développée ultérieurement. Il s'agit simplement de signaler des espèces intéressantes, lesquelles ont toutes été analysées au rayons X (caméras Guinier-Hägg et/ou Gandolfi).

Nahcolite
NaHCO3, monoclinique
Le minéral se présente en hérissons de cristaux aciculaires centimétriques de couleur blanche, très fragiles et cassants. Examinés individuellement, ces cristaux sont incolores, à l'éclat vitreux. Il est associé avec: gypse, halite, jarosite, limonite, natron, thenardite, thermonatrite, trona.

Natron
Na2CO3.10H2O
Monoclinique
Il s'agit d'efflorescences en longues fibres de cristaux accolés, recourbés, très fragiles. Ces derniers sont incolores à blancs. L'association avec le trona est caractéristique, de même que l'altération en monohydrate, la thermonatrite. Même paragenèse que la nahcolite.

Thermonatrite
Na2CO3.H2O
Orthorhombique
Cette efflorescence provient de la dessication du natron. On observe d'ailleurs le blanchiment de ce dernier lorsqu'on ouvre le tube dans lequel il a été prélevé. Il est possible que la thermonatrite se forme hors de l'atmosphère dans laquelle le natron a été prélevé.

Trona
Na3(CO3)(HCO3).2H2O
Monoclinique
Touffes de cristaux prismatiques, aplatis, bien formés. On aurait pu les confondre avec du gypse. Ils sont incolores, transparents, vitreux. Même paragenèse que la nahcolite. Observé avec de jolis cristaux de halite en forme de crosse d'évêque.

Thenardite
Na2SO4
Orthorhombique
Ecailles blanches, floconneuses, associées aux carbonates de sodium du gîte. Même paragenèse que la nahcolite.

Jarosite
KFe+33(SO4)2(OH)6
Rhomboédrique
Macroscopiquement, la jarosite apparaît comme une gangue terreuse de couleur ocre à rouille sur laquelle sont implantés les minéraux décrits ci-dessus. Sous le microscope, dans la liqueur d'indice, les agrégats se désagrègent en minuscules cristaux hexagonaux, aplatis, bien idiomorphes. Une analyse qualitative par dispersion d'énergie a permis de mettre en évidence les éléments: Fe, K, S, ce qui permet de distinguer ce minéral des autres jarosites (voir alunite group, alunite subgroup). Même paragenèse que la nahcolite.

Autres minéraux

Au cours de cette expédition, d'autres espèces minérales ont été récoltées en différents endroits des étages supérieurs de la mine. Certaines ont fait l'objet d'analyses.

Celestine baryfère
(Sr,Ba)SO4
Orthorhombique
Minces lamelles incolores, transparentes, vitreuses, cassantes. Ces lamelles ont tendance à se présenter en fibres lorsqu'on les écrase. Les propriétés optiques sont celles de la celestine. Une analyse par dispersion d'énergie a montré une présence importante de Ba aux côtés de Sr et S.

Melanterite
Fe+2SO4.7H2O
Monoclinique
Encroûtement vert-gris de fibres prismatiques irrégulières serrées les une contre les autres. Le minéral devient assez rapidement blanc, pulvérulent, vraisemblablement transformé en rozenite. Il a localement été trouvé sur une paroi.

Metasideronatrite
Na2Fe+3(SO4)2(OH).1,5H2O
Orthorhombique
Les agrégats sont fragiles et peu attrayants. Mais sous le microscope apparaissent de magnifiques cristaux jaune d'or, jaune orangé, ambre. Il s'agit de prismes dont la section a la forme d'un hexagone aplati. Plusieurs échantillons ont pu être récoltés mais dans une zone très restreinte -et vraiment inhospitalière!

Metasideronatrite, Bex
Metasideronatrite de Bex, G = 1400 x (Photo MEB, Dr Jean Wuest, MHNG)

Plusieurs autres minéraux sont en cours d'étude. Il va sans dire que la mine de Bex, initialement connue pour ses beaux cristaux de gypse, d'anhydrite ou de halite, livrera bon nombre d'espèces intéressantes pour la minéralogie.

 

* Société genevoise de minéralogie

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