Bulletin d'information SGAM 3 (1983), pp. 7-9

PÂQUES EN TOSCANE

Karen Perroud

            Quand les sgamins partent en voyage tout est minutieusement préparé par le chef de course; et cette année c'est Guy la Flamme (Pardon! Guy Hamm!) qui nous a conduits sur le sentier de la Pierre... Et il fallait une victime pascale: ce fut la Toscane, pays merveilleux, plein de noblesse et de richesse.
            Ce vendredi-là, 1er avril, je partis donc avec mon père au premier rendez-vous fixé le matin; rendez-vous que, bien entendu, nous avons manqué, l'expression "parking de la douane" pouvant donner lieu à des interprétations différentes...
            Bref, après avoir roulé durant quelques heures, heureusement agrémentées par le sourire des caissiers aux péages autoroutiers, nous sommes arrivés à Rosia, le chef de course fermant la marche...pour assurer les arrières!
            Je pensais avec joie que nous pourrions nous reposer, nous restaurer; je me suis un peu trompée: recrus de fatigue, affamés, assoiffés, au bord de l'inanition quoi! nous avons dû repartir...dans une mine. Je ne suis pas méchante mais je crois bien que Satan, s'il m'avait écoutée, aurait fait l'acquisition de quelques minéralogistes, avec matériel en prime!
            Je passe sur la fin de cette première journée pour en arriver au lendemain. Il faisait un temps splendide: le soleil et la pluie jouaient aux échecs.
            Après avoir discuté un moment nos hommes ont réussi, ô miracle, à prendre une décision et à partir pour chercher, entre autres, de l'aragonite fluorescente à Bocchegiano, du soufre à Sasso Pisano, de la pyrite à Niccioleta et pour se faire vider à Capanne.
            Quant à nous, les femmes, accompagnées par Léonard (Fontanajunior), notre journée préparée à l'avance, nous sommes parties faire la "chasse au trésor". Malheureusement Philippe de Dieuleveut n'était pas là pour nous trouver un "Change" ouvert, au grand désespoir d'Inge. Ce n'est que vers midi, à Follonica, que tout s'arrangea pour elle. C'est une chance parce que notre chauffeur, Miss Monique Droz, commençait à grincer des dents: elle avait faim (c'est un comportement caractéristique de la famille, paraît-il). Au retour, nous avons fait halte à Massa Maritima afin de nous rafraîchir. J'en ai profité pour visiter le musée pictural; c'était merveilleux, il me semblait que certains tableaux allaient prendre vie. Enfin nous sommes rentrées. C'était le moment! Quatre femmes dans une voiture, quelle plaie! Réflexion faite, je me suis dit que le lendemain j'accompagnerais les hommes.
            Ce qui fut pensé fut fait et je découvris Cetine avec eux.
            Cetine, c'est un endroit pas comme les autres, un peu triste, silencieux ou presque, perdu dans la nature. Un groupe de jeunes femmes s'y est établi, un peu hippies, un peu philosophes, genre fumeurs de hasch ou fumeurs de rien, que sais-je ? Le problème c'est que le chemin de la mine n'est pas large et qu'il passe devant chez elles; et quand ces jeunes personnes ont une camionnette à décharger en travers du chemin eh bien! soit on ne passe pas soit on fait des tractations délicates; rien de plus simple. Si vous aviez vu nos mineurs s'acharner au travail de déménageurs et décharger des caisses de bouquins, des planches à dessins, etc.
            Hélas, ce jour Massimo Galimberti n'était pas là!
            Au fait, avant de parler de la mine elle-même, peut-être devrais-je dire quelques mots sur les participants de notre voyage.
            Massimo Galimberti: Toscan, minéralogiste, humaniste, connaît bien les "coins"; sa camionnette prend des ailes lorsqu'il a faim. Signe particulier: est très irrité par les dégâts que commettent les Milanais.
            Guy Hamm dit Guy La Flamme. Signe particulier: sens de l'orientation plutôt circulaire dans les galeries de Cetine. D'autre part il n'oublie jamais son petit carnet.
            Eric et Manu: un sgamhippie et son copain qui, en fin de course, avaient sorti deux nouveaux tubes: "J'ai d'la tomme et d'la tresse" et "J'ai plus un radis".
            La famille Droz: une famille de Suisses en pays étranger.
            La famille Fontana m'a rappelé cette chanson de Gilbert Bécaud: "Ah! si j'avais des sous!" tant il est difficile de trouver un "cambio" ouvert le week-end de Pâques en Italie!
            Et la Paire Perroud: un cristal et son éclat - en toute modestie!
            Retournons à Cetine; casqués, sac au dos, nous sommes entrés dans la terre qui nous ouvrait sa gueule. J'avais un peu peur. Ces galeries donnent une impression d'étouffement, d'écrasement; ce noir dense qui nous entoure est angoissant. Mais au fur et à mesure que s'écoulent les minutes, je m'aperçois que ce n'est plus une mine mais une cathédrale. Quelle merveille! A la lueur de nos lampes tout scintille; les couleurs se mêlent entre elles, forment des dessins et des arabesques incomparables; et bientôt je me trouve aussi bien sous terre que dessus.
            Dans une des salles, notre petite expédition se scinda en groupes de deux ou trois personnes; nous partons taper le caillou. Dans chaque galerie, la composition des parois change: il se trouve, par exemple, un magnifique couloir dans le soufre, un autre tapissé de sulfates fibreux, un autre couvert de gerbes de stibine. C'est fantastique! Dommage que les pipistrelles n'étaient pas au rendez-vous! En fin de journée il a bien fallu se résoudre à partir, hélas!
            Lundi de Pâques. Recherche de quartz fluorescent à Sassa, de ménalo­phlogite près de Livourne et de pharmacosidérite sur la côte. Imaginez ce que ça a de romantique un coucher de soleil sur la Méditerranée avec, comme horizon, une ou deux îles dont celle de Monte Cristo et, comme sérénade, le bruit des massettes sur la roche...Unique!
            Au retour, nous avons fait un peu de C.B. avec Massimo. Le moins que l'on puisse dire c'est que ce n'est pas triste:

"Break sul canale
Break sul canale
Sono Antimonio..."

"on" break sul canale, "on" lit une carte routière...et "on" tourne le volant au contour juste à temps pour ne pas prendre la charge supplémentaire d'un peuplier!
            Les jours passent; "irreparabile tempus"! Nous partons mardi en compagnie de Guy et des deux Dupont, Eric et Manu, qui chantaient leurs tubes plus que jamais.
            Nous avions prévu de rentrer et, une fois de plus, fut différé le retour en Suisse, au désespoir de quelques-uns qui avaient des rendez- vous ... hé! hé!
            Carrare nous hébergea donc mardi soir. Naturellement, dans les carrières nous n'avons pas trouvé les fameux quartz. En plus de cela, il a plu à verse, ce qui a permis à Eric et Manu d'ajouter un vers à leur chanson:

"J'ai plus un radis
j'suis à sec"

            Et voilà! Le voyage se termine. Néanmoins, j'ai remarqué que le vocabulaire SGAM s'était enrichi des "chiures" de Guy, des "curve" et "chiuso" toscans, des inévitables "on fait les comptes", et de cette expression de Manu qui, peut-être, symbolise la joie d'un sgamin: "Bien joué Callaghan!"
            Et ... le reporter était là.

            Karen PERROUD

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