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A T H E N A


Jean-Jacques Rousseau

- Repères biographiques
- Les lieux

 

Houdon: Rousseau, PP 970219
Houdon: buste de Jean-Jacques Rousseau
Bibliothèque Publique et Universitaire, Genève.
 

Jean-Jacques

ROUSSEAU:

Repères biographiques

Pierre Perroud

   Cher Jean-Jacques,
   Tu nous disais, au début de tes Confessions: Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme, ce sera moi. Tu as eu le courage de le faire - toi seul - ce qui t'a autorisé à conclure ainsi ton entreprise: J'ai dit la vérité: si quelqu'un sait des choses contraires à ce que je viens d'exposer, fussent-elles mille fois prouvées, il sait des mensonges et des impostures; et s'il refuse de les approfondir et de les éclaircir avec moi tandis que je suis en vie, il n'aime ni la justice ni la vérité. Nous croyons en ta volonté de sincérité. C'est pourquoi nous te laissons la parole pour établir les repères biographiques que nous publions à ton sujet - sans modifier tes propos et en incitant le lecteur à te rencontrer plus intimement dans l'enthousiasme de tes élans et la douleur de tes aveux.
   Le lecteur insatisfait pourra tenter de combler les lacunes de ta mémoire et celles de nos choix par une lecture attentive de ton oeuvre.
    P.P. janvier 1999.

1712 Je suis né à Genève, en 1712 d'Isaac Rousseau, Citoyen, et de Susanne Bernard, Citoyenne. (Confessions, I)

Je coûtai la vie à ma mère, et ma naissance fut le premier de mes malheurs. (Confessions, I)

1718-1719 Ma mère avait laissé des romans; nous nous mîmes à les lire après souper, mon père et moi. Il n'était question d'abord que de m'exercer à la lecture par des livres amusants; mais bientôt l'intérêt devint si vif que nous lisions tour à tour sans relâche, et passions les nuits à cette occupation. (Confessions, I)
1722 Je restai sous la tutelle de mon oncle Bernard, alors employé aux fortifications de Genève. Sa fille aînée était morte, mais il avait un fils de même âge que moi. Nous fûmes mis ensemble à Bossey en pension chez le Ministre Lambercier, pour y apprendre, avec le latin, tout le menu fatras dont on l'accompagne sous le nom d'éducation. (Confessions, I)
1724-1725 Après de longues délibérations pour suivre mes dispositions naturelles, on prit enfin le parti pour lequel j'en avais le moins, et l'on me mit chez M. Masseron, greffier de la ville, pour apprendre sous lui, comme disait M. Bernard, l'utile métier de grapignan. (Confessions, I)

Je fus mis en apprentissage, non toutefois chez un horloger, mais chez un graveur. (Confessions, I)

1728 Dans nos promenades hors de la ville, j'allais toujours en avant sans songer au retour, à moins que d'autres n'y songeassent pour moi. J'y fus pris deux fois; les portes furent fermées avant que je pusse arriver. Le lendemain je fus traité comme on s'imagine; et la seconde fois il me fut promis un tel accueil pour la troisième, que je résolus de ne m'y pas exposer. Cette troisième fois si redoutée arriva pourtant. (Confessions, I)

Autant le moment où l'effroi me suggéra le projet de fuir m'avait paru triste, autant celui où je l'exécutai me parut charmant. (Confessions, II)

Encore enfant, quitter mon pays, mes parents, mes appuis, mes ressources; laisser un apprentissage à moitié fait sans savoir mon métier assez pour en vivre; me livrer aux horreurs de la misère sans avoir aucun moyen d'en sortir; dans l'âge de la faiblesse et de l'innocence, m'exposer à toutes les tentations du vice et du désespoir; chercher au loin les maux, les erreurs, les pièges, l'esclavage et la mort, sous un joug bien plus inflexible que celui que je n'avais pu souffrir; c'était là ce que j'allais faire, c'était la perspective que j'aurais dû envisager. (Confessions, II)

J'allai jusqu'à Confignon, terres de Savoie à deux lieues de Genève. Le curé s'appelait M. de Pontverre. (Confessions, II)

Dieu vous appelle, me dit M. de Pontverre: allez à Annecy; vous y trouverez une bonne dame bien charitable, que les bienfaits du roi mettent en état de retirer d'autres âmes de l'erreur dont elle est sortie elle-même. (Confessions, II)

J'arrive enfin: je vois madame de Warens. (Confessions, II)

C'était le jour des Rameaux de l'année 1728. (Confessions, II)

J'arrive à Turin sans habits, sans argent, sans linge, et laissant très exactement à mon seul mérite tout l'honneur de la fortune que j'allais faire. (Confessions, II)

J'avais des lettres, je les portai; et tout de suite je fus mené à l'hospice des catéchumènes, pour y être instruit dans la religion pour laquelle on me vendait ma subsistance. (Confessions, II)

Il y a trente ans que, dans une ville d'Italie, un jeune homme expatrié se voyait réduit à la dernière misère. Il était né calviniste; mais, par les suites d'une étourderie, se trouvant fugitif, en pays étranger, sans ressource, il changea de religion pour avoir du pain. Il y avait dans cette ville un hospice pour les prosélytes: il y fut admis. En l'instruisant sur la controverse, on lui donna des doutes qu'il n'avait pas, et on lui apprit le mal qu'il ignorait: il entendit des dogmes nouveaux, il vit des moeurs encore plus nouvelles; il les vit, et faillit en être la victime. Il voulut fuir, on l'enferma; il se plaignit, on le punit de ses plaintes: à la merci de ses tyrans, il se vit traiter en criminel pour n'avoir pas voulu céder au crime. Que ceux qui savent combien la première épreuve de la violence et de l'injustice irrite un jeune coeur sans expérience se figurent l'état du sien. (Emile, IV)

J'allais voir quelquefois entre autres un abbé savoyard appelé M. Gaime, précepteur des enfants du comte de Mellarède. Il était jeune encore et peu répandu, mais plein de bon sens, de probité, de lumières, et l'un des plus honnêtes hommes que j'aie connus. (Confessions, III)

1729 Réunissant M. Gâtier avec M. Gaime, je fis de ces deux dignes prêtres l'original du vicaire savoyard. (Confessions, III)
1732 Ce fut, ce me semble, en 1732 que j'arrivai à Chambéry, comme je viens de le dire, et que je commençai d'être employé au cadastre pour le service du roi. (Confessions, II)

Je logeai chez moi, c'est-à-dire chez maman; mais je ne retrouvai pas ma chambre d'Annecy. Plus de jardin, plus de ruisseau, plus de paysage. (Confessions, II)

Ici commence, depuis mon arrivée à Chambéry jusqu'à mon départ pour Paris, en 1741, un intervalle de huit ou neuf ans, durant lequel j'aurai peu d'événements à dire, parce que ma vie a été aussi simple que douce. (Confessions, II)

1736 Après avoir un peu cherché, nous nous fixâmes aux Charmettes, une terre de M. de Conzié, à la porte de Chambéry, mais retirée et solitaire comme si l'on était à cent lieues. (Confessions, V)

Autant que je puis me rappeler les temps et les dates, nous en prîmes possession vers la fin de l'été de 1736. (Confessions, V)

Ici commence le court bonheur de ma vie; ici viennent les paisibles mais rapides moments qui m'ont donné le droit de dire que j'ai vécu. Moments précieux et si regrettés! ah! recommencez pour moi votre aimable cours; coulez plus lentement dans mon souvenir, s'il est possible, que vous ne fîtes réellement dans votre fugitive succession. (Confessions, VI)

1737 Lorsqu'on prit les armes en 1737, je vis, étant à Genève, le père et le fils sortir armés de la même maison, l'un pour monter à l'hôtel de ville, l'autre pour se rendre à son quartier, sûrs de se trouver deux heures après l'un vis-à-vis de l'autre exposés à s'entr'égorger. Ce spectacle affreux me fit une impression si vive, que je jurai de ne tremper jamais dans aucune guerre civile. (Confessions, V)
1738 Je monte, je la vois enfin, cette chère maman, si tendrement, si vivement, si purement aimée; j'accours, je m'élance à ses pieds. Ah! te voilà! petit, me dit-elle en m'embrassant; as-tu fait bon voyage? comment te portes-tu? Cet accueil m'interdit un peu. Je lui demandai si elle n'avait pas reçu ma lettre. Elle me dit que oui. J'aurais cru que non, lui dis-je; et l'éclaircissement finit là. Un jeune homme était avec elle. Je le connaissais pour l'avoir vu déjà dans la maison avant mon départ; mais cette fois il y paraissait établi, il l'était. Bref, je trouvai ma place prise. (Confessions, VI)

Ce jeune homme était du pays de Vaud; son père, appelé Vintzenried, était concierge ou soi-disant capitaine du château de Chillon. (Confessions, VI)

1740 M. Deybens me proposa l'éducation des enfants de M. de Mably: j'acceptai, et je partis pour Lyon. (Confessions, VI)

Quand mes élèves ne m'entendaient pas, j'extravaguais; et quand ils marquaient de la méchanceté, je les aurais tués: ce n'était pas le moyen de les rendre savants et sages. J'en avais deux; ils étaient d'humeurs très différentes. L'un de huit à neuf ans, appelé Sainte-Marie, était d'une jolie figure, l'esprit assez ouvert, assez vif, étourdi, badin, malin, mais d'une malignité gaie. Le cadet, appelé Condillac, paraissait presque stupide, musard, têtu comme une mule, et ne pouvait rien apprendre. (Confessions, VI)

1741 J'arrivai à Paris dans l'automne de 1741, avec quinze louis d'argent comptant, ma comédie de Narcisse et mon projet de musique pour toute ressource, et ayant par conséquent peu de temps à perdre pour tâcher d'en tirer parti. (Confessions, VII)
1742-1743 Tandis que je m'attachais à la maison Dupin, madame de Beuzenval et madame de Broglie, que je continuai de voir quelquefois, ne m'avaient pas oublié. (Confessions, VII)
1743-1744 J'arrivai enfin à Venise, impatiemment attendu par M. l'ambassadeur. (Confessions, VII)

Je fis souvent de mon chef ce qu'il aurait dû faire: je rendis aux Français qui avaient recours à lui et à moi tous les services qui étaient en mon pouvoir. (Confessions, VII)

1745 Cette fille, appelée Thérèse le Vasseur, était de bonne famille: son père était officier de la monnaie d'Orléans, sa mère était marchande. (Confessions, VII)

Elle crut voir en moi un honnête homme; elle ne se trompa pas. Je crus voir en elle une fille sensible, simple et sans coquetterie; je ne me trompai pas non plus. Je lui déclarai d'avance que je ne l'abandonnerais ni ne l'épouserais jamais. (Confessions, VII)

1745 Je projetai dans un ballet héroïque trois sujets différents en trois actes détachés, chacun dans un différent caractère de musique; et, prenant pour chaque sujet les amours d'un poète, j'intitulai cet opéra les Muses galantes. (Confessions, VII)
1746 Je m'attachai donc tout à fait à madame Dupin et à M. de Francueil. Cela ne me jeta pas dans une grande opulence; car, avec huit à neuf cents francs par an que j'eus les deux premières années, à peine avais-je de quoi fournir à mes premiers besoins, forcé de me loger à leur voisinage, en chambre garnie, dans un quartier assez cher, et payant un autre loyer à l'extrémité de Paris, tout en haut de la rue Saint-Jacques, où, quelque temps qu'il fît, j'allais souper presque tous les soirs. (Confessions, VII)
1747 En 1747, nous allâmes passer l'automne en Touraine, au château de Chenonceaux, maison royale sur le Cher, bâtie par Henri second pour Diane de Poitiers, dont on y voit encore les chiffres, et maintenant possédée par M. Dupin, fermier général. On y fit beaucoup de musique. J'y composai plusieurs trios à chanter pleins d'une assez forte harmonie, et dont je reparlerai peut-être dans mon supplément, si jamais j'en fais un. On y joua la comédie. J'y en fis, en quinze jours, une en trois actes, intitulée l'Engagement téméraire qu'on trouvera parmi mes papiers, et qui n'a d'autre mérite que beaucoup de gaieté. J'y composai d'autres petits ouvrages, entre autres une pièce en vers intitulée l'Allée de Sylvie, nom d'une allée du parc qui bordait le Cher; et tout cela se fit sans discontinuer mon travail sur la chimie, et celui que je faisais auprès de madame Dupin. (Confessions, VII)
1749 En revenant à Paris, j'y appris l'agréable nouvelle que Diderot était sorti du donjon, et qu'on lui avait donné le château et le parc de Vincennes pour prison, sur sa parole, avec permission de voir ses amis. (Confessions, VIII)

Tous les deux jours au plus tard, malgré des occupations très exigeantes, j'allais, soit seul, soit avec sa femme, passer avec lui les après-midi. (Confessions, VIII)

Je pris un jour le Mercure de France; et tout en marchant et le parcourant, je tombai sur cette question proposée par l'Académie de Dijon pour le prix de l'année suivante, Si le progrès des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les moeurs. (Confessions, VIII)

A l'instant de cette lecture je vis un autre univers et je devins un autre homme. (Confessions, VIII)

Ce que je me rappelle bien distinctement dans cette occasion, c'est qu'arrivant à Vincennes, j'étais dans une agitation qui tenait du délire. Diderot l'aperçut; je lui en dis la cause, et je lui lus la prosopopée de Fabricius, écrite en crayon sous un chêne. Il m'exhorta de donner l'essor à mes idées, et de concourir au prix. Je le fis, et dès cet instant je fus perdu. Tout le reste de ma vie et de mes malheurs fut l'effet inévitable de cet instant d'égarement. (Confessions, VIII)

1750 Discours qui a remporté le Prix à l'Academie de Dijon en l'Année 1750 sur cette Question proposée par la même Académie: Si le Rétablissement des Sciences et des Arts a contribué à épurer les Moeurs, par Jean-Jacques Rousseau, Citoyen de Genève.

Les sciences et les arts doivent donc leur naissance à nos vices: nous serions moins en doute sur leurs avantages, s'ils la devaient à nos vertus. (Discours sur les Sciences et les Arts, II)

L'année suivante, 1750, comme je ne songeais plus à mon Discours, j'appris qu'il avait remporté le prix à Dijon. (Confessions, VIII)

1751 Mon troisième enfant fut donc mis aux Enfants-Trouvés, ainsi que les premiers, et il en fut de même des deux suivants, car j'en ai eu cinq en tout. (Confessions, VIII)
1752 Le Devin du village acheva de me mettre à la mode, et bientôt il n'y eut pas d'homme plus recherché que moi dans Paris. (Confessions, VIII)

N'ayant pu, dans sept ou huit ans, faire jouer mon Narcisse aux Italiens, je m'étais dégoûté de ce théâtre, par le mauvais jeu des acteurs dans le français; et j'aurais bien voulu avoir fait passer ma pièce aux Français, plutôt que chez eux. Je parlai de ce désir au comédien la Noue, avec lequel j'avais fait connaissance, et qui, comme on sait, était homme de mérite et auteur. Narcisse lui plut, il se chargea de le faire jouer anonyme. (Confessions, VIII)

J'avais un assez grand nombre de connaissances, mais deux seuls amis de choix, Diderot et Grimm. (Confessions, VIII)

Notre principal point de réunion, avant qu'il fût aussi lié avec madame d'Épinay qu'il le fut dans la suite, était la maison du baron d'Holbach. (Confessions, VIII)

M. le duc d'Aumont me fit dire de me trouver au château le lendemain sur les onze heures, et qu'il me présenterait au roi. M. de Cury, qui me fit ce message, ajouta qu'on croyait qu'il s'agissait d'une pension, et que le roi voulait me l'annoncer lui-même. (Confessions, VIII)

Je crus donc, en y renonçant, prendre un parti très conséquent à mes principes. (Confessions, VIII)

1753 Le carnaval suivant, 1753, le Devin fut joué à Paris, et j'eus le temps, dans cet intervalle, d'en faire l'ouverture et le divertissement. (Confessions, VIII)

Lettre sur la musique française. (Confessions, VIII)

La Lettre sur la musique fut prise au sérieux, et souleva contre moi toute la nation, qui se crut offensée dans sa musique. (Confessions, VIII)

Ce fut, je pense, en cette année 1753, que parut le programme de l'Académie de Dijon sur l'Origine de l'inégalité parmi les hommes. (Confessions, VIII)

1754 Avant mon départ de Paris, j'avais esquissé la dédicace de mon Discours sur l'Inégalité. Je l'achevai à Chambéry, et la datai du même lieu, jugeant qu'il était mieux, pour éviter toute chicane, de ne la dater ni de France ni de Genève. Arrivé dans cette ville, je me livrai à l'enthousiasme républicain qui m'y avait amené. Cet enthousiasme augmenta par l'accueil que j'y reçus. Fêté, caressé dans tous les états, je me livrai tout entier au zèle patriotique, et, honteux d'être exclu de mes droits de citoyen par la profession d'un autre culte que celui de mes pères, je résolus de reprendre ouvertement ce dernier. (Confessions, VIII)

Gauffecourt, avec lequel j'étais alors extrêmement lié, se voyant obligé d'aller à Genève pour son emploi, me proposa ce voyage. (Confessions, VIII)

Nous partîmes tous trois ensemble le 1er juin 1754. (Confessions, VIII)

Un de mes plus agréables projets dans mon voyage de Genève, en 1754, était d'aller à Bossey revoir les monuments des jeux de mon enfance. (Confessions, I)

1755 Discours sur l'Origine et les Fondements de l'Inégalité parmi les Hommes, par Jean-Jacques Rousseau, Citoyen de Genève.

Il est manifestement contre la loi de nature, de quelque manière qu'on la définisse, qu'un enfant commande à un vieillard, qu'un imbécile conduise un homme sage et qu'une poignée de gens regorge de superfluités, tandis que la multitude affamée manque du nécessaire. (Discours sur l'Inégalité)

1756 L'impatience d'habiter l'Ermitage ne me permit pas d'attendre le retour de la belle saison; et sitôt que mon logement fut prêt, je me hâtai de m'y rendre. (Confessions, IX)

Ce fut le 9 avril 1756 que je quittai la ville pour n'y plus habiter. (Confessions, IX)

L'orage excité par l'Encyclopédie, loin de se calmer, était alors dans sa plus grande force. (Confessions, IX)

Lettre à Voltaire sur la Providence

Voltaire, en paraissant toujours croire en Dieu, n'a réellement jamais cru qu'au diable. (Confessions, IX)

Si l'on compte et mesure les écrits que j'ai faits dans les six ans que j'ai passés tant à l'Ermitage qu'à Montmorency, l'on trouvera, je m'assure, que si j'ai perdu mon temps durant cet intervalle, ce n'a pas été du moins dans l'oisiveté. (Confessions, IX)

1757 Mais quand la belle saison ramena plus fréquemment madame d'Épinay à Épinay ou à la Chevrette, je trouvai que des soins qui d'abord ne me coûtaient pas, mais que je n'avais pas mis en ligne de compte, dérangeaient beaucoup mes autres projets. (Confessions, IX)

Au plus fort de mes rêveries, j'eus une visite de madame d'Houdetot. (Confessions, IX)

Cette visite eut un peu l'air d'un début de roman. (Confessions, IX)

Elle ne m'accorda rien qui pût la rendre infidèle, et j'eus l'humiliation de voir que l'embrasement dont ses légères faveurs allumaient mes sens n'en porta jamais aux siens la moindre étincelle. (Confessions, IX)

La fortune aida mon audace. M. Mathas, procureur fiscal de M. le prince de Condé, entendit parler de mon embarras. Il me fit offrir une petite maison qu'il avait à son jardin de Mont-Louis, à Montmorency. J'acceptai avec empressement et reconnaissance. Le marché fut bientôt fait; je fis en hâte acheter quelques meubles, avec ceux que j'avais déjà, pour nous coucher Thérèse et moi. Je fis charrier mes effets à grand'peine et à grands frais: malgré la glace et la neige, mon déménagement fut fait dans deux jours, et le 15 décembre je rendis les clefs de l'Ermitage, après avoir payé les gages du jardinier, ne pouvant payer mon loyer. (Confessions, IX)

1758 Je composai, dans l'espace de trois semaines, ma lettre à d'Alembert sur les spectacles. (Confessions, X)

Je passai toute l'année 1758 dans un état de langueur qui me fit croire que je touchais à la fin de ma carrière. (Confessions, X)

1759 Une après-midi que je ne songeais à rien moins, je vis arriver M. le maréchal de Luxembourg, suivi de cinq ou six personnes. Pour lors il n'y eut plus moyen de m'en dédire; et je ne pus éviter, sous peine d'être un arrogant et un malappris, de lui rendre sa visite, et d'aller faire ma cour à madame la maréchale. (Confessions, X)

Le parc ou jardin de Montmorency n'est pas en plaine, comme celui de la Chevrette. (Confessions, X)

Entre l'orangerie qui occupe cet élargissement, et cette pièce d'eau entourée de coteaux bien décorés de bosquets et d'arbres, est le petit château dont j'ai parlé. (Confessions, X)

Ce fut dans cet édifice solitaire qu'on me donna le choix d'un des quatre appartements complets qu'il contient. (Confessions, X)

Je ne sais par quelle fantaisie Rey me pressait depuis longtemps d'écrire les Mémoires de ma vie. Quoiqu'ils ne fussent pas jusqu'alors fort intéressants par les faits, je sentis qu'ils pouvaient le devenir par la franchise que j'étais capable d'y mettre; et je résolus d'en faire un ouvrage unique, par une véracité sans exemple, afin qu'au moins une fois on pût voir un homme tel qu'il était en dedans. (Confessions, X)

1760 Je me voyais environ mille écus devant moi. L'Émile, auquel je m'étais mis tout de bon quand j'eus achevé l'Héloïse, était fort avancé, et son produit devait au moins doubler cette somme. (Confessions, X)

J'avais encore deux ouvrages sur le chantier. Le premier était mes Institutions politiques. J'examinai l'état de ce livre, et je trouvai qu'il demandait encore plusieurs années de travail. Je n'eus pas le courage de le poursuivre et d'attendre qu'il fût achevé, pour exécuter ma résolution. Ainsi, renonçant à cet ouvrage, je résolus d'en tirer tout ce qui pouvait se détacher, puis de brûler tout le reste; et, poussant ce travail avec zèle, sans interrompre celui de l'Émile, je mis, en moins de deux ans, la dernière main au Contrat social. (Confessions, X)

Restait le Dictionnaire de musique. C'était un travail de manoeuvre, qui pouvait se faire en tout temps, et qui n'avait pour objet qu'un produit pécuniaire. Je me réservai de l'abandonner, ou de l'achever à mon aise, selon que mes autres ressources rassemblées me rendraient celle-là nécessaire ou superflue. A l'égard de la Morale sensitive, dont l'entreprise était restée en esquisse, je l'abandonnai totalement. (Confessions, X)

Au second voyage de Montmorency, de l'année 1760, la lecture de la Julie étant finie, j'eus recours à celle de l'Émile pour me soutenir auprès de madame de Luxembourg; mais cela ne réussit pas si bien, soit que la matière fût moins de son goût, soit que tant de lecture l'ennuyât à la fin. (Confessions, X)

Quoique la Julie, qui depuis longtemps était sous presse, ne parût point encore à la fin de 1760, elle commençait à faire grand bruit. Madame de Luxembourg en avait parlé à la cour, madame d'Houdetot à Paris. (Confessions, XI)

En rompant avec Diderot, que je croyais moins méchant qu'indiscret et faible, j'ai toujours conservé dans l'âme de l'attachement pour lui, même de l'estime, et du respect pour notre ancienne amitié, que je sais avoir été longtemps aussi sincère de sa part que de la mienne. C'est tout autre chose avec Grimm, homme faux par caractère, qui ne m'aima jamais, qui n'est pas même capable d'aimer, et qui, de gaieté de coeur, sans aucun sujet de plainte, et seulement pour contenter sa noire jalousie, s'est fait, sous le masque, mon plus cruel calomniateur. (Confessions, X)

1761 Je vivais à Montmorency depuis plus de quatre ans, sans y avoir eu un seul jour de bonne santé. Quoique l'air y soit excellent, les eaux y sont mauvaises; et cela peut très bien être une des causes qui contribuaient à empirer mes maux habituels. Sur la fin de l'automne 1761, je tombai tout à fait malade, et je passai l'hiver entier dans des souffrances presque sans relâche. Le mal physique, augmenté par mille inquiétude, me les rendit aussi plus sensibles. Depuis quelque temps, de sourds et tristes pressentiments me troublaient sans que je susse à propos de quoi. Je recevais des lettres anonymes assez singulières, et même des lettres signées qui ne l'étaient guère moins. (Confessions, XI)
1762 M. de Malesherbes le crut et me l'écrivit. Sensible à cette erreur, dans un homme pour qui j'avais tant d'estime, je lui écrivis quatre lettres consécutives, où, lui exposant les vrais motifs de ma conduite, je lui décrivis fidèlement mes goûts, mes penchants, mon caractère, et tout ce qui se passait dans mon coeur. Ces quatre lettres, faites sans brouillon, rapidement, à trait de plume, et sans même avoir été relues, sont peut-être la seule chose que j'aie écrite avec facilité dans toute ma vie, et, ce qui est bien étonnant, au milieu de mes souffrances et de l'extrême abattement où j'étais. (Confessions, XI)

Emile ou De l'Education, par Jean-Jacques Rousseau, Citoyen de Genève.

Oserai-je exposer ici la plus grande, la plus utile règle de toute l'éducation? Ce n'est pas de gagner du temps, c'est d'en perdre. (Emile, II)

Il est donc au fond des âmes un principe inné de justice et de vertu, sur lequel, malgré nos propres maximes, nous jugeons nos actions et celles d'autrui comme bonnes ou mauvaises, et c'est à ce principe que je donne le nom de conscience. (Emile, IV, Profession de soi du vicaire savoyard)

Du Contrat social ou Principes du Droit politique, par J.-J. Rousseau, Citoyen de Genève.

Si donc on écarte du pacte social ce qui n'est pas de son essence, on trouvera qu'il se réduit aux termes suivants: Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout. (Contrat social, I, 6)

En effet, dans la lettre de madame de Luxembourg je trouvai celle qu'un exprès de ce prince venait de lui apporter, portant avis que, malgré tous ses efforts, on était déterminé à procéder contre moi à toute rigueur. La fermentation, lui marquait-il, est extrême; rien ne peut parer le coup; la cour l'exige, le parlement le veut; à sept heures du matin il sera décrété de prise de corps, et l'on enverra sur-le-champ le saisir. (Confessions, XI)

Sentant que j'avais des ennemis secrets et puissants dans le royaume, je jugeai que, malgré mon attachement pour la France, j'en devais sortir pour assurer ma tranquillité. (Confessions, XI)

Madame Boy de la Tour me proposa d'aller m'établir dans une maison vide, mais toute meublée, qui appartenait à son fils, au village de Môtiers, dans le Val-de-Travers, comté de Neuchâtel. (Confessions, XII)

En arrivant à Motiers, j'avais écrit à milord Keith, maréchal d'Ecosse, gouverneur de Neuchâtel, pour lui donner avis de ma retraite dans les Etats de Sa Majesté, et pour lui demander sa protection. (Confessions, XII)

Je repris mon Dictionnaire de musique, que dix ans de travail avaient déjà fort avancé, et auquel il ne manquait que la dernière main et d'être mis au net. Mes livres, qui m'avaient été envoyés depuis peu, me fournirent les moyens d'achever cet ouvrage: mes papiers, qui me furent envoyés en même temps, me mirent en état de commencer l'entreprise de mes Mémoires, dont je voulais uniquement m'occuper désormais. (Confessions, XII)

1763-1764 Peu de temps après mon établissement à Môtiers-Travers, ayant toutes les assurances possibles qu'on m'y laisserait tranquille, je pris l'habit arménien. (Confessions, XII)

J'entrepris la réfutation des Lettres écrites de la campagne, et j'en parodiai le titre par celui de Lettres écrites de la montagne, que je mis aux miennes. (Confessions, XII)

1764 En 1764, étant à Cressier avec mon ami M. du Peyrou, nous montions une petite montagne au sommet de laquelle il a un joli salon qu'il appelle avec raison Belle-Vue. Je commençais alors d'herboriser un peu. (Confessions, VI)
1765 Il est temps d'en venir à ma catastrophe de Môtiers, et à mon départ du Val-de-Travers, après deux ans et demi de séjour, et huit mois d'une constance inébranlable à souffrir les plus indignes traitements. (Confessions, XII)

Je me lève au bruit; j'allais sortir de ma chambre pour passer dans la cuisine, quand un caillou lancé d'une main vigoureuse traversa la cuisine après en avoir cassé la fenêtre, vint ouvrir la porte de ma chambre et tomber au pied de mon lit; de sorte que si je m'étais pressé d'une seconde j'avais le caillou dans l'estomac. (Confessions, XII)

Ce projet consistait à m'aller établir dans l'île de Saint-Pierre, domaine de l'hôpital de Berne, au milieu du lac de Bienne. (Confessions, XII)

1766 Faute d'avoir lu ses autres ouvrages, j'étais persuadé, sur ce qu'on m'avait dit de lui, que M. Hume associait une âme très républicaine aux paradoxes anglais en faveur du luxe. Sur cette opinion, je regardais toute son apologie de Charles Ier comme un prodige d'impartialité, et j'avais une aussi grande idée de sa vertu que de son génie. Le désir de connaître cet homme rare et d'obtenir son amitié avait beaucoup augmenté les tentations de passer en Angleterre que me donnaient les sollicitations de madame de Boufflers, intime amie de M. Hume. (Confessions, XII)
1767 Dictionnaire de musique.
1768 J'ai toujours regardé le jour qui m'unit à Thérèse comme celui qui fixa mon être moral. (Confessions, IX)

J'ai fini sur mes vieux jours par l'épouser, sans attente et sans sollicitation de sa part, sans engagement ni promesse de la mienne. (Confessions, IX)

1772-1776 J'espérais qu'une génération meilleure, examinant mieux et les jugements portés par celle-ci sur mon compte et sa conduite avec moi démêlerait aisément l'artifice de ceux qui la dirigent et me verrait encore tel que je suis. C'est cet espoir qui m'a fait écrire mes Dialogues, (Rêveries, I)
1776 Seul pour le reste de ma vie, puisque je ne trouve qu'en moi la consolation, l'espérance et la paix, je ne dois ni ne veux plus m'occuper que de moi. C'est dans cet état que je reprends la suite de l'examen sévère et sincère que j'appelai jadis mes Confessions. (Rêveries, I)
Ces feuilles ne seront proprement qu'un informe journal de mes rêveries. (Rêveries, I)

J'étais sur les six heures à la descente de Ménilmontant presque vis-à-vis du Galant Jardinier, quand, des personnes qui marchaient devant moi s'étant tout à coup brusquement écartées je vis fondre sur moi un gros chien danois qui, s'élançant à toutes jambes devant un carrosse, n'eut pas même le temps de retenir sa course ou de se détourner quand il m'aperçut. (Rêveries, II)
Je ne sentis ni le coup ni la chute, ni rien de ce qui s'ensuivit jusqu'au moment où je revins a moi. Il était presque nuit quand je repris connaissance. (Rêveries, II)

1777 Tout d'un coup, âgé de soixante-cinq ans passés, privé du peu de mémoire que j'avais et des forces qui me restaient pour courir la campagne, sans guide, sans livres, sans jardin, sans l'herbier, me voilà repris de cette folie, mais avec plus d'ardeur encore que je n'en eus en m'y livrant la première fois, me voilà sérieusement occupé du sage projet d'apprendre par coeur tout le Regnum vegetabile de Murray et de connaître toutes les plantes connues sur la terre. Hors d'état de racheter des livres de botanique, je me suis mis en devoir de transcrire ceux qu'on m'a prêtés et résolu de refaire un herbier plus riche que le premier, en attendant que j'y mette toutes les plantes de la mer et des Alpes et de tous les arbres des Indes, je commence toujours à bon compte par le mouron, le cerfeuil la bourrache et le séneçon; j'herborise savamment sur la cage de mes oiseaux et à chaque nouveau brin d'herbe que je rencontre je me dis avec satisfaction: voilà toujours une plante de plus. (Rêveries, VII)
1778 Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement: Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon; et s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire. J'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus: méprisable et vil quand je l'ai été; bon, généreux, sublime, quand je l'ai été: j'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même. Être éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables; qu'ils écoutent mes Confessions, qu'ils gémissent de mes indignités, qu'ils rougissent de mes misères. Que chacun d'eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même sincérité, et puis qu'un seul te dise, s'il l'ose: je fus meilleur que cet homme-là. (Confessions, I)

Pauvre Jean-Jacques. (Confessions, IV)

1782 Les Confessions I, II, III, IV, V, VI
Les Rêveries du Promeneur solitaire.
1789 Les Confessions VII, VIII, IX, X, XI, XII